La peau dure

Il est des jours où nous sentons la déchirure du ciel.

Il est des jours, aigus comme une intuition, où la vie ressemble à un conte, ancrée soudainement dans le temps.

Des jours, où des éclats, des empreintes laissées en nous, des mémoires archaïques nous servent de guides.

Où des formes à investir, des héritages hypothétiques de légendes pourraient nous faire traverser le temps.

Je me souviens des heures de marche pour atteindre cette partie de la montagne, qui ce matin-là, de la maison m'était apparue violette, et de mon étonnement, quand arrivée, l'enchantement du violet s'était déplacé plus haut et plus loin.

La mort se mêlait encore à nos vies, se travestissant en figures humaines. Elle nous était familière sous ses déguisements, guettant la nuit à la croisée des chemins, nous invitant à danser avec elle le moment où elle emmenait l'un de nous sur son épaule.

J'ai longtemps cru qu'avant de naître chacun de nous appartenait à une entité pleine, malicieusement séparée en deux à la naissance, et que le jeu de la vie était de chercher et reconnaître sa moitié.

Je vis depuis longtemps dans les villes, mais je ne veux oublier la découverte d'une sauterelle sur un brin d'herbe et les heures passées à imaginer l'univers à son échelle.

Sidonie Rochon

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