les "élucubrations" sont des textes écrits par sidonie rochon en marge des créations…

 

comment rêver le monde quand on n’est que deux ?

Trace ta route

Le matin, je quitte mon lit, pas toujours la première, je laisse mes petites mules à pompons roses et direction le métro ! Tous les jours, Aubervilliers-Bagnolet.

Ne pas oublier que je ne suis pas obligée de toujours changer à Stalingrad et Père-Lachaise, je suis libre , je peux bifurquer à tout moment, rester jusqu’ à Gare de l’ Est et même changer à République.

Si une place assise se libère, au lieu de m’y précipiter, je la laisse vide. C’est important le vide, c’est là que ça travaille, que ça respire.

Bien être dans le réel de ses sensations, mon pied gauche écrasé, un coude dans mes côtes à droite, et s’abandonner au poids des corps qui ballottent en rythme, sans intention psychologique, surtout !

Ce qui est important, ce n’est pas tant Crimée et Riquet, mais tout ce qui se passe entre, le temps et l’espace entre, c’ est là qu’ il y a du jeu.

Rester ouverte et disponible, ne pas décider à l’avance de vérifier mes comptes sur mon chéquier pendant le trajet, quoique l’économique, c’est important, le politique aussi : il n’y a plus de 1ère et 2ème classes dans le métro, il y a ceux qui le prennent et ceux qui ne le prennent pas.

Bon, revenons à la réalité du moment, pas trop de constats pessimistes. Être simplement là, ne pas imposer sa volonté à la matière, reconnaître ce qui arrive : derrière moi, quelqu’ un balance son sac et m’oblige à plier les genoux, je plie, mais, quand je plie, cela déséquilibre la personne devant moi. Il se met à grimper sur le dos de la personne de devant , attrape la rampe et avec les pieds, se met à tourner furieusement au plafond. Et tout le wagon de se trémousser en rythme, en gigotant des coudes : oh ! aie ! rreu ! hourra ! bref, c’est du senti que naît la fiction.

Comme je suis un corps qui dit " je " , je tourne un peu le tête, sans appuyer trop mon geste et découvre un homme. Bof, un homme, une femme, c’ est pareil, je ne vais pas m’ enfermer dans des rôles. Je lui dis : "arrêtez de me balancer votre serviette dans les jambes. " Il faut savoir prendre des décisions, surtout ne pas hésiter, faire pleinement ce que l’on fait. Moi, je suis hyperlaxe, c’est toute une vie que ça m’ a pris pour construire ce plié, un parcours quoi ! je ne vais pas me laisser déstabiliser par le premier venu.

Question de rythme, je prends une deuxième décision, faut savoir être surprenante, enfin cela se fait tout seul, cela m’ arrive : et hop ! je descends, même s’ il n’ y a pas de correspondance : Château- Landon, qu’ est-ce-que je fais ? Il faut prendre des risques, innover, inventer, déplacer l’espace de la représentation : le quai est vierge, je suis la première à descendre, j’ inverse les places, c’ est entre l’ autre quai et moi que cela se passe.

Garder sa colonne vertébrale bien vivante, et être un bassin puissant qui prend l’ espace. Je monte les escaliers, deux par deux, trois par trois, sur un pied et vrille sur l’autre, bien plantée en terre, insolente, subversive, une force qui monte.

Civile, j’arrive en haut des escaliers et adossé au mur , il y a quelqu’ un qui tend la main : donnez-moi une utopie, rien qu’ une petite utopie pour arriver à continuer, qu’il quémande.

Encore un qui a décroché, qui a pas su s’adapter.

Eh, c’ est fini les grands récits collectifs !

1-2-3, 2-2-3, 3-2-3,1-2-3-4-hum-hum-hum-7-hum, 1-2-3, 2-2-3, et 1-2, 1-2, 1-2. . . c’ est frais, c’ est rafraîchissant.

 

Sidonie Rochon

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